À l’heure des traders, des nouveaux pauvres, d’écarts de salaires qui choquent, mais aussi de tombolas publiques « pour devenir scandaleusement riche », il est bon de rappeler que sous la république romaine, lorsque les goûts restaient simples et les appétits d’une frugale ruralité, l’étalage de richesse constituait une sorte d’outrage public aux bonnes mœurs.

Ainsi, Valère Maxime(1) signale qu’en 137 avant notre ère Aemilius Porcina fut mis en accusation pour avoir fait construire une villa trop somptueuse.

On comprend mieux, par cet exemple, pourquoi l’adjectif exlegis (hors-loi) a, sous la plume d’Horace, le sens de débridé, sans frein(2).

Caton, dans l’introduction au De re rustica énonce, deux siècles avant J.-C. :

« Les lois de nos ancêtres condamnaient le voleur à l’amende du double, tandis qu’elles imposaient celle du quadruple à l’usurier. Cette disposition nous montre combien l’usurier était à leurs yeux un citoyen plus pernicieux que le voleur. »

Aulu-Gelle(3) évoque, pour sa part, le sort des chevaliers à qui la monture était retirée si les censeurs constataient leur embonpoint et de conclure :

« Nous devons croire que l’on regardait en quelque sorte comme coupable d’indolence celui dont le corps était chargé d’un embonpoint excessif. »

Cet exemple – abusif pour les travailleurs assidus, mais sédentaires que nous sommes – et les précédents montrent qu’un système juridique peut sanctionner non seulement indirectement (comme aujourd’hui par la fiscalité), mais directement l’enrichissement démesuré, et l’exhibitionnisme de richesse.

 

Alain LEBRUN

(1) VIII, I, 7. (2) De arte poetica, 224. (3)Nuits attiques, Livre VII, XXI.